ROI EN EXIL

Les êtres que j’ai aimés ont toujours été meilleurs et plus grands que moi. La pauvreté telle que je l’ai vécue ne m’a donc pas enseigné le ressentiment, mais une certaine fidélité, au contraire, et la ténacité muette. Albert Camus, L’envers et l’endroit p.20

Et les racines sont fidèles aux souvenirs
Et les écrivains toujours écrivent sur leur famille
Tu es né sous le soleil d’une cité d’Afrique
J’ai grandi en banlieue à l’ombre du fric
Mais les miens sont les tiens montrons leur notre centre ville
Où les lampadaires sont des phares
Des gyrophares bleus qui assombrissent
Des visages noirs ironie du mauvais sort ou du destin
Nous sommes ces monarques indigents j’imagine
À la couronne d’épines tressée par les cyniques
J’ai vu comme toi le linge se balancer au balcon
Du souvenir de l’amour (malgré la dêche) que l’on porte à nos mères respectives
Tu as vu comme moi ces silences rêches mais la mémoire est sélective
Frère et sœur de béton la haine est un cul-de-sac
Et c’est la culture qui nous y arrache
Alors au lieu de se faire soulever on a le BAC
Alors au lieu d’aller en prison on va à la fac
C’est d’ici si tu y crois que viendront nos reines et nos rois

Et les platines sont fidèles aux vinyles
Et les rappeurs toujours représentent leur famille
Tu as vu le soleil mettre fin à toutes sortes de famines
J’ai vu des seringues se cueillir à même le sol dans les années 1990
C’est parce que l’espoir se brûle par les deux bouts
Que les nôtres se tiennent toujours debout
On se mettait déjà frais en fringue pour être dans le coup
On s’enfouraillait déjà en flingue pour deux, trois, six sous
Nos époques jumelles comme les tours radicalisent
Ton temps avait l’idéologie facile c’était pas encore la crise
Pôle Emploi n’était pas la plus prospère des entreprises
Nous sommes ces monarques indigents j’imagine
À la couronne d’épines tressée par les cyniques
Mais c’est dans le refus n’est-ce pas que naissent nos reines et nos rois