THEORIE DE LA CARABINE

Pierre Yves FILY

Théorie de la carabine

Ça commence comme d’hab’, un carnaval sale qui brise ma carapace. Je crie et me replie, remplis des lignes vides, fais des rêves horribles, des crises de rire grises, délétères, éphémères, où l’euphorique prime. Névrotique dream, playmobil triste, féérique sphère dont la mélodie file, période hybride, rhétorique spleen, terroriste solitaire de ma maudite vie. Peu à peu je perds mais je proteste, protège mes repères, m’échappe du paradoxe étroit entre l’univers et le ciel. Et les lumières de la ville qui s’éveillent percent des perles de pluie fine que les vitres révèlent. Mine triste du haut de ma fenêtre du dixième, l’esprit liquide. Nouveau jour, encore une énième lutte contre l’invisible. Je tire à vue mais je ne sais plus qui est la cible, c’est la théorie de la carabine.

Dix ans de hors-piste, grisante misanthropie, frisant le sordide, friand de morbide. Souvent trop ivre, souvenirs trop flous, trop souvent trop vide, s’ouvrant au vice trop souvent. Lascif, passivement captif, gratuitement acide, fascinante machine, agissant quasi mécaniquement, tragique matrice, pratique, calice factice. Discrète est la chute, la lutte serait vaine. Mes chimères se réfutent quand la lune se révèle. Dans l’abus je m’élève, des prières sur mes lèvres. Vérités insalubres héritées du réveil. Victime du haut de ma fenêtre du dixième. Clic clic, j’suis paré pour la dernière lutte, celle dont j’suis la cible, je triche plus, les nerfs à vif, je tire, c’est la théorie de la carabine.

Acculé dans les recoins de ma névrose, j’inscris mes actes aux faits divers comme une anecdote. Annuler le passé l’annulaire sur la crosse, l’index sur la détente ; j’essaie de me détendre, avant que mon corps ne s’étende sous vos regards, riant de mon errance. Dans mon cœur, le néant, niant l’évidence : peine capitale pour mon existence, explosion d’indifférence ayant vos yeux pour épicentre. Voie sans issue au maximum de son amplitude. Qu’en dis-tu quand les fous se revendiquent purs? Plus le temps passe, plus se réduisent mes penchants diurnes, la lueur de la lune et cette douleur que mon sang dilue, en guise de cigüe. Vilain désastre, vie d’un désaxé dépassé par des sarcasmes hypnotiques, dévasté par les années, écrasé par ses actes égoïstes. Théorie de la carabine.

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