Mes hommes
Ils marchent le regard fier
Mes hommes
Moi devant, et eux derrière
Mes hommes
Et si j'allonge le pas
Ils me suivent pas à pas
Je leur échappe pas
Mes hommes, mes hommes
Où que je sois, ils sont là
Mes hommes
Je n'ai qu'à tendre les bras
En somme
Je les regarde venir
Fière de leur appartenir
C'est beau de les voir sourire
Mes hommes
Moi qui suis fille des brumes
En somme,
De la nuit et de la lune
Tout comme
Quand j'arrive, le teint clair
Moi devant et eux derrière
Je comprends bien que les gens
S'étonnent, s'étonnent
Car, ils viennent de Tunisie
Mes hommes
Marseille, Toulon, le Midi
Mes hommes
Ils marchent avec insolence
Un petit rien dans la hanche
Ça ressemble à une danse
Mes hommes
Ils ne m'appellent Madame
Mes hommes
Mais, tendrement, ils me nomment
Patronne
Ils se soumettent à ma loi
Je me soumets à leur loi
Que c'est doux d'obéir
À mes hommes
Tout d'amour et de tendresse
Mes hommes
M'ont fait une forteresse
Mes hommes
Non, vous ne passerez pas
C'est à eux, n'y touchez pas
Ils sont violents, quelquefois
Mes hommes, mes hommes
Ils se sont fait sentinelles
Mes hommes
Ils pourraient être cruels
Mes hommes
Ils me veillent, comme moi
Je les veille quelquefois
Moi pour eux, et eux pour moi
Mes hommes
Quand naissent les premières feuilles
D'automne,
Quand le chagrin se fait lourd
Mes hommes,
Vont se mettre, sans un mot
Debout autour du piano
Et me disent tendrement
Patronne, patronne
C'est fou comme ils sont heureux
Mes hommes
Quand le son du piano noir
Résonne
Ils vont faire leurs bagages
Et on reprend le voyage
Faut qu'ils voient du paysage
Mes hommes
Quand descend la nuit furtive
Mes hommes
À pas de loup, ils s'esquivent
Personne
Ils vont chasser dans la nuit
Bergers, gardez vos brebis
Qui ont le goût et l'envie
Des hommes, des hommes
Car, de la blonde à la rousse
Mes hommes
Ils vont coucher leur peau douce
Mes hommes
Et repartent dans la nuit
Courtois, mais pas attendris
Quand ils ont croqué le fruit
La pomme
Ils reviennent au matin
Mes hommes
Avec des fleurs dans les mains
Mes hommes
Et restent là, silencieux
Timides, baissant les yeux
En attendant que je leur
Pardonne
Ils ont installé mon lit
Mes hommes
Au calme d'une prairie
Mes hommes
Je peux m'endormir à l'ombre
Ils y creuseront ma tombe
Pour la longue nuit profonde
Des hommes, des hommes
Pas de pleurs, pas une larme
Mes hommes
Je n'ai pas le goût du drame
Mes hommes
Continuez, le regard fier
Je serai là, comme hier
Vous devant, et moi derrière
Mes hommes