Chap. 4.1: La Mémoire (Phoenix - Le Conte)
Comment vous expliquer cet étrange phénomène
Dont le secret se trouve dans ma boîte crânienne
Comment suis-je passée de la pure amnésie
Du calme plat à l’absolue frénésie?
À la vue de cette photo dans le journal
De cet homme ténébreux au regard animal
Se sont bousculées des milliers de vidéos
Des pièces d’un puzzle devenu scénario
Je l’ai attendue et la voilà, ma victoire
Oui, j’ai enfin retrouvé toute ma mémoire
Mais aujourd’hui, non, cela ne me suffit plus:
Mon âme hurle vengeance d’un cri continu
Le souvenir fait mal comme une lame de rasoir
Comme une injustice, comme une morsure dans le noir
J’étais jeune et naïve, un peu idéaliste
Avec une âme tendre, une audace d’artiste
Je ne savais pas qu’il existait sur la terre
Des monstres sans cœur et des êtres sanguinaires
J’avais sympathisé par un beau soir d’été
Avec trois personnages au comptoir d’un café
Je compris qu’ils en étaient les propriétaires
Joyeux, ambitieux et fiers de leur affaire
Élégants et charmeurs, ils s’intéressaient à moi
Ils se prénommaient Vlad, le Conte et puis Lamia
Après la fermeture du café en question
Ils me prirent à part et firent une suggestion:
Ils connaissaient un lieu avec vue imprenable
Sur la ville, on irait tous en décapotable
Il se faisait tard, je n’étais pas fatiguée
Je les ai suivis… c’était une mauvaise idée
Nous arrivons tout en haut de la colline
Dans cette voiture qui sent la gazoline
Là, le Conte me regarde d’un air étrange
“Il est temps”, me dit-il, et son ton me dérange
Je sens le long de ma colonne vertébrale
Un frisson me glacer, une angoisse viscérale
Mais je garde mon calme et je cache mes peurs
Je lui souris et lui dis: “Le temps est trompeur.”
Le long de cette impasse, ils veulent m’entraîner;
Il n’y a ici qu’une maison abandonnée
Tout en haut du portail on peut lire son nom
En lettres majuscules: La Maison des Dragons
Je comprends le danger mais il est déjà trop tard:
“Je veux rentrer chez moi.” “Tu n’iras nulle part
Ma jolie”, me répond le Conte d’un air glacial
Je me fige d’une peur, d’une terreur abyssale
Leurs visages si doux deviennent sanguinaires
Une douleur dans mon cou me précipite à terre
Mon tout dernier souvenir dans ce cul-de-sac
C’est la montre dorée du Conte et son tic-tac