Chacun porte son âge
Cette chanson pour ceux que je n’ai pas nommés
Moi qui croyais nommer ton village et ta ville
Ceux qui s’en vont d’un pas que l’on dirait docile
En chemins fermés
Les derniers arrivés que je ne connais pas
Et que voici chez nous pour avoir fui des guerres
Et qui ne disent rien, mais qui ne s’en vont guère
Retenant leurs pas
Chacun porte son âge
Sa pierre et ses outils
Pour bâtir son village
Sa ville et son pays
Qui chantera les nuits de la serveuse au bar?
Qui chantera l’ennui du client qui s’attarde?
Chacun est le miroir de l’autre et le regarde
Le temps d’un départ
Qui chantera le jour pareil aux autres jours
De ce vieux retraité du métro de cinq heures
Qui ressasse au milieu des foules qui l’écoeurent
Ses chansons d’amour?
Chacun porte son âge
Sa pierre et ses outils
Pour bâtir son village
Sa ville et son pays
Et ceux qui sont ici depuis la nuit des temps
Toujours surpris de voir qu’on vende et qu’on achète
Comme peau d’animal des morceaux de planète
Avec de l’argent
Pour obtenir un peu ils nous demandent tout
En fuyant sans arrêt nos ciments sédentaires
Et mettre un peu leur jeu dans l’ennui millénaire
Que hurlaient les loups
Chacun porte son âge
Sa pierre et ses outils
Pour bâtir son village
Sa ville et son pays
Chanter aussi ceux-là qui ne m’entendent pas
Et qui n’ont ni mon pas, ni mes mots, ni mes rêves
Ceux-là pour qui la vie est une courte trêve
Entre deux combats
Chanter enfin pour toi, chanter enfin pour vous
Qui choisirez sans fin la mort ou la survie
De mes mots, de vos pas, de ce qui nous convie
À rester debout
Chacun porte son âge
Sa pierre et ses outils
Pour bâtir son village
Sa ville et son pays