Je chante pour
Je chante pour ne pas courir
Je chante pour ne pas mourir
Pour oublier que mon chemin
Ne va pas plus loin que ma main
Pour oublier que l’escalier
N’est pas plus haut que mon soulier
Et que le mur vient de lui-même
À ma rencontre, et que je t’aime
Pour en prier
Je chante pour ne pas courir
Je chante pour ne pas mourir
Pour oublier le corridor
Au bout duquel le coeur s’endort
Pour oublier qu’on n’y peut pas
Reculer son ombre d’un pas
On s’arrête, on se tourne, on cause
On fait semblant qu’on se repose
Le coeur qui bat
Je chante pour ne pas courir
Je chante pour ne pas mourir
Pour me raconter que ma peur
Ne trompe pas mon corps trompeur
Pour lui repeindre un peu le bout
Des doigts, qu’elle a nombreux et doux
Pour que je ne sais quoi demeure
Semblant de nous, pour mettre une heure
Le temps debout
Je chante pour ne pas courir
Je chante pour ne pas mourir
Pour dire à qui sera vivant
Que dans son corps d’auparavant
J’aimais la neige et le ciel gris
Qui ressemble à du temps surpris
Hors de lui-même et de l’horloge
Pour dire aux âmes que je loge
J’avais compris
Je chante pour ne pas courir
Je chante pour ne pas mourir
Et pour nommer trois inconnus
Qui, sans le savoir, ont tenu
Le journal de bord des humains
À travailler de leurs deux mains
Chanter la femme et nommer l’homme
Le meilleur côté de la pomme
Est pour demain
Je chante pour me départir
De moi-même avant que partir