BREBIS GALEUSES
Il n’y a que le clocher
Qui dépasse des arbres
Il est comme accroché
Têtu fier et de marbre !
C’est un petit village où je me rends souvent,
Une terre que saccagent les bourrasques de vent…
Et la pluie mystérieuse.
J’aime assez comme toutes et tous semblent perdus
Des piafs au Bassan fou
Des chattes au mouton nu
C’est un petit hameau habité insensible
De fantômes aux cœurs gros, à l’ombre de la bible
Et de vies malheureuses
On y tue le cochon
On y nourrit les vaches
On pêche le poisson
On cultive la mâche
C’est un arrière où s’invitent arrogant, arrogants,
Des nuages de pluie, des éclaircies, pourtant
L’accalmie est trompeuse !
Car il y a cette histoire
Qu’on n’ose raconter
Il y a dans les mémoires
Des âmes du comté
Sur cette terre aride où je reviens parfois
Il y a ces grands cœurs vides
D’avoir vu autrefois
La folie ravageuse.
Ils étaient trois enfants
Quatorze ans, sept et huit
Ils étaient innocents
Quand l’histoire s’est écrite
Sur cette terre sans nom,
Un soir de grande pluie,
Le courage a dit non
Et les lâches ont dit oui
Par une nuit affreuse
Ils étaient si petits
On les a débusqués
Trois petites souris
Que l’on a emmenées
Mon pauvre cul-de-sac
Tu as laissé mourir
Sarah, Elie, Isaac, tu as laissé partir…
Les brebis galeuses.