PONDICHERY
C’est bien à l’eau potable
Qu’on lave nos bagnoles
Qu’on nettoie nos salades
Nos chiens, nos culs, nos grolles,
Et l’eau potable encore
Coule dans nos toilettes
Irrigue nos récoltes
Et nous lave la tête
Elle arrose nos fleurs
Nos pelouses, nos parterres,
Nos lessives ont l’honneur
D’une eau limpide et claire
Elle coule en abondance
Aux fontaines Wallace
Mais laisse à ma conscience
Comme un goût dégueulasse
Comme un goût dégueulasse
Car à Pondichéry
Les enfants sont crasseux
Boivent à l’eau croupie
D’un marigot bourbeux
Et parc’qu’en Somalie
Des femmes meurent chaque jour
À tirer l’eau d’un puits
Asséché pour toujours
Asséché pour toujours
Combien dépensons-nous
Dans nos contrées prospères
Pour nourrir nos toutous
Compagnons de misère
Pour offrir à nos chats
Les plus belles litières
Les gaver de foie gras
En barquettes légères
Le prix d’un toilettage,
Vaccin, vétérinaire
Nourrirait le village
D’une tribu berbère
J’aime aussi ces bestioles
Pas jusqu’au fanatisme
Mais parfois me révolte
Devant tant d’égoïsme
Devant tant d’égoïsme
Car à Pondichéry
L’enfant dort dans la rue
La décharge est pour lui
Quand nos chiens sont repus
Et parc’qu’en Somalie
L’âne reçoit des coups
Même s’il sauve des vies
En trimant plus que nous
En trimant plus que nous
Combien de cris, de plaintes
Dans nos pays nantis
Pour la moindre des atteintes
À notre train de vie
Travailler toujours moins
Toujours plus posséder
C’est le credo commun
Du bourge à l’ouvrier
Marxisme et capital
Corollaire l’un de l’autre
C’est la même lutte finale
Nos gueules avant les vôtres
Sellières ou Laguillier
Tous pauvres pour la seconde
Que des riches pour l’premier
Et quoi pour le tiers-monde
Et quoi pour le tiers-monde
Car à Pondichéry
L’urgence c’est de vivre
Le confort ou l’ennui
Ne sont que dans les livres
Et parc’qu’en Somalie
La liberté se gagne
Lorsque tombe la pluie
Sur le désert infâme
Car à Pondichéry
Ils ignorent ma chanson
Qui avoue nos folies
Et demande pardon
Et parc’qu’en Somalie
Où les mots n’peuvent rien
La misère et l’oubli
N’auront jamais de fin
N’auront jamais de fin