Quand Les Bateaux Reviennent
Quand les bateaux reviennent, il reste sur leurs flancs
Des lambeaux décevants du vent qui les emmène
Quand les bateaux reviennent
Et les marins du bord voient grandir la falaise
Et le curieux malaise et les lueurs du port
Où les femmes, au matin, frissonnant sous le châle
Ont la lèvre un peu pâle et le coeur incertain
Car c'est le même vent qui trousse leurs dentelles
Emporte leurs enfants puis les ramène à elles
Il donne aux goélands cette lenteur si belle
Et fait de leurs amants des marins infidèles
Quand les bateaux reviennent, on les attache au quai
La longe et le piquet pour seuls fruits de leur peine
Quand les bateaux reviennent
Puis les marins s'en vont, écrasés de fatigue
Même le sol navigue au coeur de leur maison
Le lit déjà défait se couvre de soupirs
Et les femmes chavirent et leur espoir renaît
Car c'est le même vent qui souffle leur chandelle
Un soir où le printemps les a trouvées moins belles
Il donne aux océans quelques rides nouvelles
Et montre aux cerfs-volants tous les chemins du ciel
Alors, pour quelques jours, le temps n'existe pas
C'est peut-être pour ça que les adieux sont lourds
Quand les bateaux repartent
Les femmes, au petit jour, à l'instant du départ
Cherchent dans leur mouchoir pour se compter les jours
Les grains déjà si lourds du chapelet d'ivoire
Et l'impossible amarre qui mène à leur amour
Mais c'est le même vent qui ramène au rivage
Un peu de l'océan jusque sur leur visage
Où la mer et le temps de passage en passage
Ont creusé le sillage étrange et fascinant d'un bateau qui voyage.