La louve et l’afghane
Une louve efflanquée, cloutée, plutôt zonarde
Et par certains côtés rappelant la renarde
Une louve cherchant l'aventure en un bar
Vit une chienne afghane entrée là, par hasard
La belle était soyeuse et parfumée Chanel
Vêtue de soie légère et de vison pastel
Cette aisance dorée que fortune vous donne
Était comme étalée sur toute sa personne
Ah ! Dites-moi, la belle afghane
D'où vous est tombée cette manne
Il semble que vous ayez tout ?
Elle répond "Que prenez-vous ?"
Et l'afghane commande et l'autre l'accompagne
Et vidant force coupes du meilleur champagne
On se raconte un peu, on compare son sort
Mais comment pouvez-vous, dit celle cousue d'or
Pouvez-vous supporter cette vie de bohème
Où le premier venu est celui qui vous aime
Celui qui payera peut-être le loyer
Et la maigre entrecôte et le collant filé ?
Mais dites-moi, ma belle afghane
À moi qui suis vraiment profane
Comment faire pour obtenir
Ce qu'à mes yeux faites reluire ?
Presque rien : cuisiner, faire un peu de ménage
Élever des enfants, s'assurer qu'ils sont sages
Être aimable toujours, amoureuse parfois
Mais jalouse jamais, en échange de quoi
On a tout ce qu'il faut pour être longtemps belle
Massages, thalasso et dessous de dentelles
Caresses le dimanche et pas les autres jours
Et puis si l'on insiste, quelques mots d'amour
C'est merveilleux, ma belle afghane
Je suivrai votre caravane !
Mais quel est ce regard inquiet
Sur la montre à votre poignet ?
Eh bien, je regardais - quoi donc ? - s'il était l'heure
D'y aller - quoi déjà ? - eh bien oui, je demeure
Assez loin et s'il était rentré ? - rentré, qui ?
- Peu importe - ah non, je veux savoir - mon mari
- L'anneau que vous portez à ce point vous enchaîne ?
- Pas vraiment, pas toujours, voyez je me promène
- Oh ! Oui promenez-vous, j'ai compris la leçon
Pour moi je me sens libre, avec mon vieux blouson
Rentrez chez vous, la belle afghane
Moi, je préfère ma cabane
Et sans rester dans le décor
Louve s'enfuit et court encore
Louve s'enfuit et court encore