LE PENDU
On le pendit un matin
A la foire de la mort
Et pour qu'il fût bien certain
Que l'âme eût bien quitté le corps
On le laissa se balancer
Trois jours au bout de la corde
Et la mort se mit à danser
Fallait voir la foule se tordre
Mais la foule a bien eu tort
Car de grands oiseaux tout gris
Vinrent dévorer le corps
Et tout le monde fut surpris
De voir l'âme du pendu
Toujours au bout de la corde
Personne n'en avait voulu
Même pas Dieu, miséricorde !
Il faut dire que le pendu
Etait un bougre de Noir
Qui ne s'était même pas défendu
Au comble du désespoir
Lui, premier Noir diplômé
Astronaute, gloire et fortune
Venait d'être sacrifié
Au côté sombre de la lune
Alors, ce fut l'explosion
Poing levé, il réclama
Des droits que la Constitution
Lui garantissait pourtant déjà
Ça fit mauvaise impression
Sur ses pairs qui le jugèrent
En tant que traître à la Nation,
A la potence, ils l'envoyèrent
La potence était du bois d'un arbre
Créé par Dieu
Le bourreau avait un coeur de marbre
Créé par Dieu
Le poteau, tout comme la colombe,
Est créé par Dieu
Et le sol sur lequel le sang tombe
Est créé par Dieu
Mais dites-moi, dites-moi
(Mais dites-moi, dites-moi)
Oui, dites-moi, dites-moi
(Oui, dites-moi, dites-moi)
Où était Dieu ce jour-là ?
Peu importe car le Noir
N'avait jamais su son Pater
Car de son vivant tout noir
Il n'avait connu que l'enfer
Alors il courut chez le diable
Espérant tirer un bon prix
De son âme misérable
Mais en le voyant, le diable lui dit
«Je suis confus, foi de Satan !
Je crois qu'il y a eu maldonne
Je peux pas vous en donner autant
Que convenu par téléphone»